FONDU AU NOIR : LE FILM A L’HEURE DE SA REPRODUCTION NUMÉRISÉE
par Guillaume Basquin
L’auteur, « spectateur émancipé » et lecteur assidu de textes théoriques et poétiques sur l’art et le 7ème en particulier, a été frappé par la perte soudaine de la plasticité essentielle du médium cinématographique suite à la numérisation de son système de projection des figures en mouvement.
Il s’est aperçu que les fameuses Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, comme La Divine Comédie de Dante sept siècles auparavant, contenaient tout le savoir du temps présent, en particulier celui nécessaire pour penser ontologiquement et métaphysiquement la mutation, semble-t-il irréversible, des « spectacles d’ombres » en mouvement aux « images mouvantes », calculées en pixels.
Il s’est replongé dans un entretien donné aux Cahiers du cinéma par l’écrivain et théoricien de la crise des avant-gardes littéraires Philippe Sollers lors de l’achèvement du grand œuvre godardien. Selon les paroles mêmes de l’écrivain, Paradis était proposé en équivalent littéraires des Histoire(s).
Alors a germé l’idée de faire dialoguer, littéralement et dans tous les sens, ces deux sommets de l’art du « montage ». Enfin, l’auteur a essayé de « sauver », au sens benjaminien du terme, tels de vieux chiffons, tout ce qui va disparaître avec la perte d’aura définitive de toute œuvre cinématographique.
C’est son premier livre, écrit dans l’urgence du témoignage.
Revue de presse :
1. Reprenant à Walter Benjamin le sous-titre de l’ouvrage, mais aussi le principe d’un livre constitué presque uniquement de citations, Guillaume Basquin dresse dans Fondu au noir : le film à l’heure de sa reproduction numérisée un réquisitoire contre la projection numérique des films. Sous la forme d’un montage de citations, faisant dialoguer essentiellement les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard et Paradis de Philippe Sollers, Guillaume Basquin pose la question de la projection des images aujourd’hui. Que voit-on, ou plutôt, que ne voit-on plus, aujourd’hui, sur un écran de cinéma ?
2. Si la forme constitue la principale originalité du texte – à travers des typographies différenciées qui tiennent lieu de notes de bas de page, ou un chapitre écrit d’une seule traite sans ponctuation – elle en constitue aussi la limite, tendant parfois à se substituer à l’argumentation-même.
3. Celle-ci se révèle pourtant captivante quand elle examine de près la spécificité des images analogiques et établit une typologie des différentes matières d’images (surimpression, irisation, transparence, etc.). En décelant a contrario une dilution de ces textures lors de projections numériques, Guillaume Basquin dénonce donc un aplatissement des images et une perte, définitive cette fois, de leur aura.
Géraldine Sfez, « Guillaume Basquin, Fondu au noir : le film à l’heure de sa reproduction numérisée », Critique d’art [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2014.
URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/8215 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.8215
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Car c’est une sorte de roman expérimental que propose Fondu au noir : l’histoire d’un homme devenu le témoin d’une catastrophe à laquelle il semble seul à prêter attention, assistant à un phénomène massif de déréalisation clandestine qui substitue au réel sa terne et monnayable contrefaçon, attaché cependant à sauver, au moins pour lui-même, la possibilité de cette expérience à laquelle il doit être celui qu’il est, un spectateur levant les yeux vers les films (selon l’expressionde Godard) afin de plier religieusement les genoux devant la vérité qu’ils révèlent.
Philippe Forest, « Guillaume Basquin honore le négatif », Art Press, n° 399, avril 2013.
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Son livre, véritable texte-collage réflexif (que l’on pourrait lire comme une autobiographie en cinéma, lecture possible également des Histoire(s) du cinéma de Godard), débute sous la forme d’un pamphlet aride et cherche à saisir à travers des pensées, des citations, des digressions, ce qui dans le cinéma intéresse Basquin : la respiration entre les images du cinéma (reprenant la piste ouverte par Serge Daney) face à l’asphyxie sans bruissement due aux outils numériques.
Sébastien Ronceray, « Faire du cinéma… », Bref, n° 107, mai 2013.
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L’originalité de son livre est de prendre la parole de sa place de spectateur : ni celle du réalisateur (qui peut vouloir adopter le numérique pour des tas de raisons), ni celle du distributeur (dont l’économie est considérable quand il abandonne les bobines), ni celle de l’exploitant (qui réduit encore la part de travail du projectionniste), ni celle du conservateur (qui rencontre des problèmes de stabilité du support, d’obsolescence des machines, etc.). Le spectateur, celui qui, assis dans la salle, regarde un film et en tire des sensations . « Le 10 octobre 2014, écrit Basquin, j’ai été trompé par un programme de la Cinémathèque : Ma nuit chez Maud de Rohmer annoncé en 35 mm sur le programme et… montré en DCP avec le soi-disant meilleur matériel du monde… Eh bien, non, non et non ! ça n’est plus du tout un film !… (…) : le film est plastiquement détruit (il y a comme un voile numérique sur l’image, aucune profondeur, mouvements faux). Comment parler de films à partir de reproductions en fac-similés?» Ce point de vue de spectateur peut paraître « naïf », c’est pourtant cette ingénuité qui permet de pointer les différences entre les types de supports et de projecteurs perceptibles dans ce qu’on en reçoit : or n’est-ce pas là l’essentiel s’agissant d’une relation de type esthétique ?
Spielberg déplore la disparition d’une « vibration », Tarantino déplore une « vitre », Basquin un « voile ». Autant d’effets de l’absence des halogénures d’argent dont la disposition aléatoire dans l’émulsion de la pellicule créait, dans le déroulement photogrammatique de la projection, cette vibration, ce tremblement qui sont aussi ceux de l’air que l’on respire. Une analogie physique, une isomorphie matérielle, peut-être de hasard (aucun lien de causalité entre les deux ni d’appartenance réciproque à une entité sinon… le monde), mais qui instituaient une modalité de perception et un ensemble de sensations, de sentiments, d’émotions.
François Albera, 1895, n° 74, hiver 2014.
Spécifications de l'ouvrage :
Collection : Sine qua non
Date de parution : 2013
Nbr. de pages : 188
Nbr. d’illustrations : 48
Format : 14 x 18 cm
ISBN : 978-2-912539-45-8
Prix : 20 €