LE CONCERT CHAMPÊTRE
par Jean-Claude Rousseau
Lettre de Dominique Noguez à Jean-Claude Rousseau in Le Concert Champêtre.
Paris, le 21 août 1981
Cher Jean-Claude Rousseau,
Pardonnez ma nonchalance. En fait, j’aurais pu vous écrire plus tôt, car j’ai lu d’une traite, la nuit même du jour où je l’ai eu, votre scénario. D’une traite, car c’est bien fait (au sens de la haute couture ou de ces artisanats de précision qui tolèrent bien la virtuosité) et que le désir de lire est constamment titillé, en dépit de la complexité extrême de la texture, par une sorte de fraîcheur acide – parlerai-je de citron vert ? Cette acidité légère vient pour moi de ceci : d’une sorte de double point de vue. D’abord de l’irritation, celle qui me vient depuis longtemps devant les oeuvres à la Ricardou (au cinéma, avec des succès divers : Santiago, De Gregorio, Téchiné), qui me font toujours penser que les mises en abyme, métaphores structurelles, ruptures constantes de l’enchantement sont préciosités inutiles, tergiversations -formes « géométriques » de la pudeur (au sens pascalien de l’esprit de géométrie préféré à l’esprit de finesse : mais chez vous les deux coexistent). Est-ce l’âge ? Mais j’en pince de plus en plus pour la simplicité, le silence, le trait direct. Et cependant, second point de vue qui tempère le premier, une certaine fascination me vient à voir peu à peu le puzzle se former et montrer ses figures cachées. Le résultat est ceci, que vous pouvez prendre pour un jugement et qui est surtout un encouragement : ce n’est pas comme cela que j’aurais fait, ce n’est pas mon genre (ce n’est plus mon genre), mais il y a une force, une discrète obstination dans toutes ces pages qui me font penser que je serai peut-être surpris et conquis par le film fini et que, oui, il faut le faire, qu’on ne peut rien dire avant d’avoir vu la mécanique fonctionner. Cette sagesse qui calme l’infime irritation première me vient de l’expérience – en particulier du cas d’un ami, Jean-Paul Cayeux, qui fait des scénarios un peu dans votre genre et dont un film, pourtant (si je puis dire), m’a infiniment envoûté : cela s’appelait L’Étang (présenté à Hyères l’an passé).
Donc je vous souhaite vivement d’y aller, de trouver le moyen de tourner ce Concert champêtre (il y a, j’y pense, un très beau, très « français » concerto de Poulenc, que j’adore, qui s’appelle Concerto champêtre, avec beaucoup de clavecin…).
Voyons-nous un de ces jours (dans une semaine, si vous voulez, quand je serai un peu moins pris à la gorge par le travail) et parlons-en encore.
Bien amicalement à vous,
Dominique Noguez
P.-S. C’est le scénario de quelqu’un qui n’est pas tombé de la dernière pluie, qui a le cinéma dans la peau, c’est très au-dessus de la moyenne et j’imagine mal que les diverses commissions d’avances sur recette, etc. puissent ne pas le retenir sans se discréditer tout à fait.
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Revue de presse :
Au croisement d’une conférence au Louvre et d’une expulsion le contraignant à ranger, et retrouver toute sorte de documents, Lebrat nous livre 15 ans de notes de travail en 10 textes, en premier lieu destinés à ceux qui auront vibrer à la vision de ses films TRAMA et HOLON, qu’il préfigurait en 79 avec son manifeste sur le cinéma » post-structurel. »
Jean-Marc MANACH, in revue 101, Mai 1995.
Spécifications de l'ouvrage :
Collection : Sine qua non
Date de parution : 2001
Nbr. de pages : 151
Nbr. d’illustrations : –
Format : 14 x 18 cm
ISBN : 2-912539-10-2
Prix : 18 €